Avortement, adoption, marche pour la vie

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J'avais résisté jusqu'à présent, je me risque à mon premier sujet réellement polémique, à la veille de la marche pour la vie.

J'ai de fortes convictions sur l'avortement, l'adoption, le désir d'enfants, tout en étant complètement paumée dans mes ressentis du fait de mon histoire personnelle. Je suis perdue, et incapable d'avoir un positionnement catégorique et ferme sur ces sujets sensibles.

Je suis intimement convaincue que la vie commence dès la conception, et que refuser le statut d'être humain à un embryon relève d'un postulat scientifique qui est un déni de réalité. A ce titre, un avortement est un meurtre, et donc un péché.

Que propose d'Eglise en cas de grossesse non désirée ? 

  • Garder l'enfant, en partant du principe que l'amour maternel est naturel et qu'il viendra à la naissance pour créer une relation épanouissante malgré les craintes initiales. Or, on le sait désormais, parfois la relation ne se crée pas. Et il y a un tabou dont on peine à parler : les couples qui regrettent le chamboulement abyssal qu'a généré un bébé dans leur vie, sans oser se l'avouer parce que c'est indicible. C'est ainsi que les psychanalystes analysent les enfants malencontreusement oubliés sur l'aire d'autoroute en reprenant la voiture, acte manqué....

Tomber enceinte dans ma situation personnelle serait un drame absolu ; je suis borderline, et mon mari schizophrène. Une grossesse pourrait entraîner ce qu'on appelle une psychose puerpérale, c'est à dire un état psychotique délirant  qui se manifeste quelques jours après l'accouchement. Certaines mères, dans cet état, ont cherché par exemple à cuire leur enfant dans une casserole d'eau bouillante.

Quand la mère décompense à la naissance, il faut pouvoir compter sur un père solide pour prendre le relais, donner les biberons, s'occuper de tout. Mon mari, schizophrène, en serait totalement incapable. Nous avons trois animaux de compagnie ; pour chaque animal, il a mis 5 ans a ressentir un attachement affectif.

Dans ces cas là, la mère et l'enfant sont souvent placé en observation dans des unités psychiatriques spécialisées. Elles courent de forts risques de se voir retirer la garde de l'enfant. Je le vivrais comme un drame absolu.

Nos familles habitent à 300 km de nous, et j'ai subi tellement de traumatismes familiaux (et mon mari aussi), que j'aurais peine à leur confier mon enfant. 

Mon mari et moi avons tous les deux subi une éducation très pathogène et perturbante. J'ai été nourrie par les crises de fureur, le manque de confiance, la fusion et l'anxiété. Mon psy m'a bien confirmé que j'étais fortement susceptible de reproduire ces comportements. J'ai trop souffert, je ne veux pas infliger ça a quelqu'un. Je l'inflige en partie à mon mari, mais il est adulte et construit, il peut se défendre, il peut chercher de l'aide et prendre du recul. 

Par ailleurs, les troubles psychiques se transmettent génétiquement (c'est l'épigénétique). J'en ai trop souffert. Nous vivons dans une société psychophobe où trouver une place en étant malade psy relève de l'exploit. Par ailleurs, des psychiatres ont décrit la souffrance d'une crise schizophrénique comme comparable à celle des camps de concentration. Je vous laisse imaginer le cas de conscience de concevoir un enfant sciemment en sachant cela. 

  • Accoucher sous X, donner son enfant à l'adoption (voir lien joint). Mon premier psychiatre qui était pédopsychiatre, ainsi que deux connaissances d'enfants adoptés qui ont eu des problèmes, m'ont sensibilisé au fait que les enfants adoptés sont à fort risque de développer un trouble de type borderline, le même trouble que le mien. On peut dire que j'ai été dans la même situation parce que née prématurée et placée en couveuse longtemps avec les jambes maintenues par des attelles, donc impossible d'être prise dans les bras étant bébé et donc de nourrir un lien d'attachement précoce. Chez les enfants adoptés, se crée un mécanisme inconscient du fait de l'abandon originel de la mère biologique. Ils ne peuvent s'empêcher de penser que s'ils ont été abandonnés, c'est qu'ils n'étaient pas dignes d'amour. Et donc ils partent dans une quête effrénée de tester le lien d'attachement de leurs parents adoptifs par des conduites à risques et un refus de leur amour, ce qui rend la vie invivable et aux parents, et à l'enfant. 

Je sais les souffrances que je vis. Confier un bébé à l'adoption, c'est risquer qu'il développe les mêmes troubles (voir pire) que moi. Et c'est insupportable.

Nous nous sommes mariés en indiquant clairement dans notre lettre d'intention que nous n'aurions pas d'enfants pour raison médicale, et que nous vivrions notre fécondité autrement (je suis toujours en recherche pour la fécondité, avec une phobie sociale c'est compliqué). Le prêtre et les accompagnants à la préparation ont parfaitement compris. Je suis obsédée par le fait de ne pas tomber enceinte.

Quelle est donc la solution face à une grossesse non désirée ? Pour moi, il y en a pas. Et quand on doit choisir entre la peste et le choléra (pas dans tous les cas, évidemment, il y a des avortements de confort difficilement justifiables), on se démerde comme on peut avec les moyens qu'on a. Et la miséricorde, ça sert aussi à ça. 

L'Eglise doit comprendre la vie des gens dans leur particularité. Qu'on milite pour la dignité et la vie, je le comprends et le respecte. Mais tant que l'Eglise ne mènera pas un combat acharné pour la dignité des enfants placés, ballotés de familles d'accueil en familles d'accueil à qui on interdit de s'attacher aux enfants, et ne sera pas fer de lance pour l'accompagnement psychologique des adoptants et des adoptés, elle ne sera pas crédible. En attendant, la marche pour la vie, je n'en serai pas. 

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